PAIX DU COEUR ET DISCERNEMENT
« Une vigilance constante qui ne va pas sans résistances »
Chez Saint Ignace le discernement tient une place essentielle, et la paix du cœur lui est rattachée.
Membre de CVX et accompagnatrice spirituelle de longue date, Marie-Élise nous partage son expérience.
Pour obtenir la version pdf
Marie-Élise, quel rapport entretiennent paix du cœur et discernement ?
L’une est-elle la condition de l’autre ou son fruit ?
St Ignace de Loyola, photo CVX
Pour un chrétien, le discernement est une démarche spirituelle. C’est se tourner vers le Seigneur, chercher à mieux l’aimer, le respecter et le servir et dans ce but, choisir le moyen qui va être le meilleur, pour soi aujourd’hui. Celui qui entre dans une telle démarche se met à l’écoute de l’Esprit et la paix intérieure est alors la confirmation de sa décision. Car comme le dit st Paul aux Galates : « joie et paix sont des fruits de l’Esprit ».
La paix intérieure est signe d’une décision ajustée au désir de Dieu. Elle vient au terme d’une démarche qui demande d’entrer dans une liberté intérieure et de mobiliser toutes ses facultés, en vue de prendre sa décision. Écoute de la Parole de Dieu, écoute des autres, travail de la raison pour peser le pour et le contre, attention à ses mouvements intérieurs font partie du processus.
Si la paix n’est pas là, c’est que la décision n’est pas mûre ; il vaut mieux attendre !
Paix du cœur et bonne conscience sont-elles superposables ?
Tout dépend de ce que l’on appelle bonne conscience… En tout cas, la paix du cœur n’est pas synonyme de tranquillité. Elle peut être là dans des moments difficiles. Me revient à l’esprit un compagnon qui relisait sa vie en communauté locale, une vie avec des ruptures et des blessures, et qui pourtant avait le cœur pacifié par rapport à cette histoire et ceux qui étaient concernés.
A l’inverse le calme plat n’est pas forcément bon signe. St Ignace commence ses règles du discernement des esprits en distinguant deux situations opposées. Si le bon esprit donne force, courage et repos à celui qui avance vers le Seigneur, il va au contraire aiguillonner et titiller la conscience de celui qui s’éloigne de Dieu et va de mal et pis.
Se tenir en juste place dans sa relation à Dieu et dans sa relation aux autres, est le fondement de la paix. C’est une vigilance constante qui ne va pas sans résistances.
Quel est le lien entre la paix politique et la paix du cœur ?
« La paix politique a besoin de la paix des cœurs » assure le pape François.
Dans son message du 1er janvier 2025 pour la journée mondiale de la paix, il formule ainsi sa prière : « … accorde-nous ta paix, cette paix que Toi seul peut donner à ceux qui se laissent désarmer le cœur, à ceux qui, avec espérance, veulent remettre leurs dettes à leurs frères, à ceux qui confessent sans crainte qu’ils sont tes débiteurs, à ceux qui ne restent pas sourds au cri des plus pauvres. »
Etre artisan de paix repose sur cette disposition du cœur, faite d’humilité et de respect de l’autre et en particulier du plus petit.
Comment accède-t-on à cet état de paix du cœur ?
La paix du cœur est un don de Dieu, Lui qui veut pour nous la vie en plénitude. Nul ne peut se la donner à soi-même ; c’est une grâce à demander. La part qui nous revient, c’est de nous tourner résolument vers lui et de nous mettre à l’école de sa Parole. Ceci, lorsque nous avons une décision à prendre, mais aussi dans la vie courante.
Cette paix ne sera définitive et universelle qu’à la fin des temps. En attendant, nous en recevons les prémices. Encore faut-il savoir reconnaître cette paix intérieure qui nous est donnée, en s’arrêtant et en sondant notre cœur ! La prière d’alliance, pour cela, est précieuse : elle nous exerce à reconnaître les mouvements intérieurs qui alternent en nous. Les moments de paix et ce qui l’a provoquée, pour en rendre grâces au Seigneur. Les moments d’insatisfaction ou de trouble pour voir sous le regard aimant de Dieu, ce qui n’est pas ajusté pour rectifier le tir.
Cela nous conduit sur un chemin de vérité et d’ajustement au Seigneur dans les petites choses du quotidien ; et ceci est facteur de paix. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » ps 85,11.
A quel discernement personnel procéder pour découvrir la forme d’artisan de paix à laquelle on est appelé ?
Tout est lieu de mission et la mission commence par être artisan de paix là où l’on est. Ensuite, celui qui ouvre les yeux sur le monde, constate de multiples situations où la paix est à construire : situation des pays en guerre bien sûr, mais aussi divisions de toutes sortes et en tous lieux, injustices aussi qui sont sources d’affrontement.
Alors où aller ? Nous ne pouvons pas tout faire.
L’attention aux mouvements intérieurs guide le discernement. Se laisser toucher, être attentif à ses mouvements du cœur, voilà qui peut retentir comme un appel !
En fonction de ce qu’il est et de son histoire, chacun sera davantage touché par telle ou telle situation. Des événements peuvent aussi nous mettre en marche. L’ouverture du cœur est le point de départ qui peut conduire vers l’action.
Comme le rappelle le pape François dans son encyclique Dilexit nos où il développe une réflexion sur le cœur de Jésus, « la véritable aventure personnelle est celle qui se construit à partir du cœur » (n°11).
Recueilli par Thierry Boussier